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Tribune Libre : Era u cinque di maghju...

Le Mardi 05 Mai 2015 par cOMPanero

Vingt-trois ans déjà. Aujourd'hui j'ai envie de raconter l'histoire tragique du 5 mai 1992, mais pas l'histoire que tout le monde connaît, je vais vous raconter mon 5 mai, la façon dont je l'ai vécu et la façon dont un proche qui était dans la tribune maudite l'a vécu.

Minot d'à peine dix ans et déjà complètement fada de l'OM, de certains joueurs comme Waddle, Papin, Boli, Mozer, etc, et bercė depuis toujours par l'histoire du SCB allant en finale de la coupe de l' UEFA par mes parents...
Le tirage au sort de cette demi-finale de Coupe de France est plus qu'idéal, mais il sera difficile d'avoir des places ; il faut dire qu'à cette époque, l'OM domine sans partage le football français et fait rêver tout un pays pendant que Bastia, malgré un glorieux passé, ne parvient pas à retrouver sa place dans l'élite.
D'ailleurs je n'en trouverai jamais. Ce n'est pas le cas d'un ami de mes parents, qui a réussi à s'en procurer quatre : il pourra donc assister à la grande fête du football en Corse avec des amis, lui que les Skoblar et Magnusson avaient attiré vers l'OM.

De mon côté, je ne désespère pas : hasard du calendrier, le Tour de Corse automobile passe par Bastia ce même jour et mes parents ne ratent jamais cet événement... On va en profiter hein ? Allez s'il vous plait ! Oui ok allez, et là... c'est la déception, plus une place malgré cette grande tribune qu'ils ont construite en un temps record !

Bon ben là, y a plus le choix, on regardera sur TF1 vu que ça passe en direct (oui, à cette époque, c'est rare ).

En retournant vers chez moi, je croise des centaines de voitures pleines de supporters, tous très heureux, tous pleins d'envie de faire la fête après toutes ces années où ils ont mangé leur pain noir. Drapeaux et écharpes qui sortent des voitures, quand ce n'est pas carrément les têtes qui dépassent des toits ouvrants. Putain, va y avoir une ambiance de dingue ce soir, ils ont une de ces chance, ceux du village !

De leur côté, ils arrivent tranquillement au stade, l'ambiance est vraiment joviale et festive, tant mieux que le Président du Sporting ait refusé la proposition de Tapie de jouer au Vélodrome en cédant intégralement la recette ! Ils décident de s'installer tranquillement à leurs places, tout en haut de la tribune provisoire, elle est belle d'ailleurs. Impressionnante même.

J'arrive a la maison et vite, on mange tôt pour aller voir le match sur la grande télé, au moins ça hein !
A Furiani, l'ambiance monte d'un cran, tout le monde tape des pieds et le speaker du stade demande d'arrêter mais personne n'écoute ni ne l'entend ; on le saura plus tard, des ouvriers de l'entreprise qui a construit la tribune tentent de la consolider avec des morceaux de palettes car les tremblements inquiètent. Quand les joueurs entrent s'échauffer, mes amis sont comme des gosses en voyant arriver toutes ces stars marseillaises, ils vont quand même souffrir ce soir les vice-champions d'Europe !

Puis d'un coup, un grand vacarme, ils racontent : "On s'est sentis partir à la renverse en arrière sans rien comprendre, sans avoir le temps de se rendre compte du danger de ce qu'il était en train de nous arriver. Ça dure quelques secondes mais en y repensant, j'ai l'impression que ça a duré des heures. Tu vois le ciel et d'un coup une douleur dans le dos quand tu frappes le sol."

A la télé, le journal de 20H00 suit son court quand il est interrompu pour aller à Furiani. Une partie de la tribune serait tombée. Serait ? C'est ce que disent Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, qui semblent manquer d'infos. L'un d'entre eux se demande même si le match pourra se jouer, et provoque la colère d'un supporter qui l'entend se poser la question. Je me rappellerai sans doute toute ma vie de sa phrase : "Y a sûrement des morts et vous pensez au match ?"
Des morts? Mais qu'est ce qu'il se passe? Tout le monde commence à pleurer de stress et d'angoisse, s'ensuivront des images terribles, de brancards sur la pelouse, d'hélicoptères qui font des rotations pour évacuer les victimes...

Au stade, ceux qui sont tombés pensent déjà à sortir de ce merdier, de ce tas de débris de ferrailles, le temps de se demander si on est entier ; ils essaient de se dégager, un des quatre souffre du dos, mais bon, va sûrement y avoir des secours, on ira les voir. Puis au fur et mesure, des cris de douleur, d'horreur, de peur. Des corps empalés, des membres arrachés, des morts. Ils n'en croient pas leurs yeux. Comment peut on voir de telles choses en allant juste voir un match de foot ? Comment en est on arrivés là ?
Non, on ne va pas aller voir les secours, on va faire les trois heures de route comme ça, et on verra demain. Il y a largement plus grave ici.

La suite, tout le monde la connaît malheureusement et la Corse et son peuple auront cette blessure à jamais ouverte et ne pourront et ne voudront jamais oublier ce jour si triste, où des gens et des familles entières ont été meurtries dans leurs corps, leurs chairs et leurs esprits.

Les seules personnes à ne pas avoir étés marquées par ce 5 mai sont apparemment celles qui dirigent la LFP, encore et toujours mon ami à la moustache. Ce sont les seuls à ne pas vouloir sacraliser cette date. Ils préfèrent gaspiller leur énergie à faire cesser les fumigènes ou s'excuser quand l'arbitrage est mauvais auprès de Nasser...

Bref au départ toute la Corse le demandait mais aujourd'hui c'est toute la France du football qui le réclame :


PAS DE MATCH LE 5 MAI ET BASTA !
Un seul jour ! Vous en avez 364 autres pour jouer tous les matchs que vous voulez ! Montrez-nous que le respect est plus fort que le business, Messieurs, soyez enfin des êtres humains!


Et comme si cette putain de période n'était pas déjà assez triste, un ange a rejoint le Paradis des Olympiens et je tenais à lui rendre modestement un petit hommage, lui qui malgré ses 9 ans fut un exemple de combativité et de courage pour tout le monde. Sa joie de vivre devrait tous nous inspirer. Repose en paix Sacha.

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