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"La direction ne comprend pas ses Ultras" Sébastien Louis

Le Mercredi 10 Janvier 2018 par Mvlik1899

Sébastien Louis est un ancien fidèle de notre Virage Sud. Cet ancien Ultra, aujourd'hui chercheur en sociologie et en Histoire. A l'occasion de la parution de son livre "Ultras, les autres protagonistes du football", il nous a accordé une interview où il nous expliquait son parcours, mais aussi sa reconversion. Cette fois-ci il a accepté de répondre aux questions du journaliste Jean Saint-Marc pour le quotidien "20 Minutes" au cours de laquelle il va livrer son analyse sur les relations entre les supporters et la direction olympienne.

Y a-t-il une spécificité du mouvement ultra à Marseille ?

Oui, c'est une certitude ! C'est lié à l'ère Tapie : il avait compris l'importance des supporters dans le foot business. Il a délégué, laissé l'animation en tribunes aux groupes, avant de leur confier la vente des abonnements. Ça a permis aux supporters de faire des déplacements, des animations, d'avoir des places à des tarifs préférentiels.


Ça a créé des tensions dans certains groupes, car certains ont profité de la situation. Et ça a généré la mythique ambiance au Vélodrome des années 1990-2000, une des meilleures en Europe. Si elle est bien plus rare, c'est en partie lié aux tensions entre les groupes et à la cassure entre le public et ces groupes. Mais pas seulement : dans tous les milieux ultras, il y a des divisions sur les conceptions du supportérisme. Tous sont persuadés d'incarner la pureté des idéaux !

La fin de la vente directe des abonnements par les groupes, avant le rachat par McCourt, a-t-elle aussi perturbé un certain équilibre ?

Ça n'a pas été très bien géré... Les supporters étaient demandeurs de plus de transparence. Ils ont accepté, mais ils ne voulaient pas non plus se faire avoir. Il y a une contradiction entre ce que veulent les supporters et ce que veut la direction. C'est typique du football spectacle. L'OM a été racheté par quelqu'un qui veut faire de l'argent. Et il sait qu'aujourd'hui, le meilleur actif, ce sont les supporters. L'idée, c'est de reprendre en main les tribunes, mais tout en maintenant une ambiance exceptionnelle. Le meilleur exemple de ça, c'est quand la direction tente d'imposer une scénographie géante pour OM-PSG. Un projet que les groupes ont refusé.

Ça traduit un vrai divorce, selon vous ?

Il y a une désaffection depuis quasi une décennie, à Marseille, avec l'exception Bielsa. Il y a une cassure oui, liée au manque de résultats, mais aussi aux mauvais choix des différentes directions. Et c'est difficile de retrouver l'esprit supporter avec des administrateurs qui, aujourd'hui, sont des gestionnaires. Et qui prennent le club pour ce qu'il est devenu : un projet d'industrie de loisirs.

Des dirigeants qui, d'ailleurs, ne viennent pas du monde du football...

Ils sont habitués à des environnements plus rationnels, mais ils ont affaire à quelque chose qui leur échappe. L'incertitude du sportif, le microcosme local et la passion populaire : ils ne connaissent pas tout ça. La direction de l'OM, comme celle d'autres clubs, ne comprend pas ses ultras.

Les groupes sont furieux par rapport à ce qu'on leur a promis... C'est logique ! Ils sont dans leur rôle de syndicalistes du club, parce que les dirigeants passent, les joueurs passent, et eux défendent l'institution. Donc c'est normal que les groupes contestent. Et à côté de ça, on a une direction qui veut reprendre en main les tribunes, avec une ambiance un peu disneylandisée, où on chante pour dire que tout va bien, sans jamais critiquer !

Olympique de Marseille

L'affaire Evra a encore aggravé cette cassure, non ?

Avec leurs déclarations, ils ont jeté de l'huile sur le feu. Et demander aux responsables de groupes de dénoncer d'autres supporters... Ils ne savent pas comment fonctionne un groupe !

Il y a tout de même un dialogue qui existe à Marseille, avec des réunions régulièrement entre les groupes et la direction...

C'est vrai, et c'est une autre particularité locale : les groupes sont parfois aidés financièrement, pour des déplacements notamment, ce qui est rare en France. Mais cela crée aussi une dépendance, négative. L'OM manie la carotte et le bâton, en ne finançant pas, par exemple, le déplacement à Konya. L'argent perturbe toujours les relations...

Est-il possible de faire autrement ?

En Allemagne, par exemple, il y a des réunions tous les mois, avec de vrais échanges. Les contreparties sont symboliques, pas seulement financières : par exemple, le Dynamo Dresde a accepté, après discussions, de renoncer à son projet de mascotte.

En France, au niveau national, il n'y a quasiment aucun dialogue, c'est le tout répressif, avec soit des interdictions de déplacement, soit des déplacements très encadrés. C'est la voie italienne qui a été choisie... Et en Italie, la fréquentation moyenne a chuté de 30 % en 20 ans.


Les clubs français n'ont pas compris que pour remplir leurs stades, il faut s'opposer à ces arrêtés d'interdiction, faire pression sur les préfectures, défendre leurs groupes de supporters ! Et comprendre qu'il y a différentes formes de public dans les stades...

Comme l'a si bien indiqué Sébastien Louis, le football devient progressivement une industrie de loisir visant davantage à divertir qu'à fournir une expérience et une passion forte aux supporters. Aujourd'hui, il semblerait que nos dirigeants ont cette image de notre culture, de notre passion. Cette vision est malheureusement pour eux caduque et n'arrange pas les relations qu'ils entretiennent avec nos groupes de supporters. L'absence de dialogue, cette volonté de contrôle de nos tribunes mais aussi de connaissances de ce milieu nuisent aux bonnes relations entre les deux parties. Aujourd'hui, il apparaît donc comme impératif pour notre direction d'assimiler ces normes qui sont différentes de ce qu'ils (nos dirigeants) ont pu connaître jusqu'à leur arrivée à la tête du club. Sans cette apprentissage, aucune évolution ne sera possible. Mais, quoiqu'il en soit, n'oublions pas que nous, supporters, sommes les seuls garants de l'âme et l'identité du club, cela ne changera jamais.

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