OM 2-0 Newcastle : Drogba se révèle à l'Europe - La légende de l'OM (1/30)

Le Mercredi 25 Avril 2012 par

Y a-t-il encore un homme, une femme, un enfant, à Marseille, qui ne soit pas devant un écran branché sur TF1 ce jeudi 6 mai 2004 à 20h45 ? Ce soir-là, l'Olympique de Marseille s'apprête à écrire l'une des lignes les plus importantes dans le grand livre de son histoire. Le football français est alors en pleine euphorie. L'équipe de France massacre tous ses adversaires avec une facilité déconcertante depuis deux ans et fait figure de grand favori pour l'Euro 2004. L'AS Monaco fait trembler l'Europe entière et vient de terrasser le Réal Madrid et Chelsea, après avoir passé huit buts à La Corogne. L'OM a écarté l'Inter Milan en 1/4 de finale de la Coupe UEFA, au terme d'un match retour parfaitement maîtrisé à San Siro. Il s'agit de l'une des plus belles saisons des clubs français en coupe d'Europe depuis 10 ans. Et à ce moment, beaucoup rêvent secrètement d'un doublé Ligue des Champions/Coupe UEFA. C'est dans ce contexte léger que l'OM de José Anigo accueille le Newcastle de Craig Bellamy et Alan Shearer. Ce dernier, qui revit, à 34 ans, en marquant 28 buts toutes compétitions confondues cette saison là, est la principale menace pour les marseillais, les anglais s'interrogeant même sur l'éventualité d'un retour en équipe d'Angleterre.


En championnat, cela fait bien longtemps que les phocéens ont jeté l'éponge. Rapidement largués dans la course au titre, l'équipe a plus ou moins volontairement sacrifié la Ligue 1 pour se concentrer sur l'objectif le plus difficile, le plus fou, mais aussi le plus alléchant. Ce match est d'abord celui d'un homme : Didier Drogba. L'ivoirien, révélé à Guingamp la saison précédente, explose littéralement aux yeux de l'Europe avec Marseille. Cette saison là, il inscrit 11 buts en coupe d'Europe ! Devenu l'idole du Vélodrome, il est aussi l'arme fatale de son équipe. Et il sera une fois de plus le héros de toute une ville lors de cette soirée... José Anigo, qui a remplacé Alain Perrin durant l'hiver, a construit son équipe en 5-4-1 (qui se transforme en 3-6-1 en phase offensive), avec trois stoppeurs que sont Habib Beye, Abdoulaye Meïté et Brahim Hemdani. Sylvain N'Diaye et la révélation Mathieu Flamini sont chargés de la récupération. Didier Drogba, la seule pointe, est soutenu par deux meneurs, Laurent Batlles, et Camel Meriem, placardisé à Bordeaux et qui réalise la meilleure saison de sa carrière. Ces trois-là sont soutenus par deux latéraux très offensifs : Manuel Dos Santos, qui revit après sa fracture du tibia au printemps 2003, et Démetrius Ferreira, prêté par Bastia, qui réalise des performances étonnantes depuis son arrivée. Le tout est complété par Fabien Barthez, lui aussi placardisé dans son ancien club (Manchester United), revenu dans son club de toujours pour jouer l'Euro. Le divin chauve a rapidement fait oublier les critiques de ceux qui ne comprenaient pas la mise à l'écart du gardien croate, Vedran Runje.



Voilà pour le contexte de l'époque. Venons-en au match. Un match qui se déroule dans une ambiance tout simplement extraordinaire. Une ambiance comme le Stade Vélodrome n'en a plus connu depuis, même lors du match du titre, contre Rennes, le 5 mai 2010. Nous y reviendrons. Une hantise plane sur le stade et sur les joueurs : encaisser un but. Nous savons tous à quel point marquer à l'extérieur est important lors d'un match de Coupe d'Europe à élimination directe. Et les olympiens n'ont pas su le faire, lors du match aller à Saint-James Park, malgré de nombreuses occasions dont une énorme frappe de Didier Drogba qui s'écrase sur le poteau. Ce 0-0 rapporté de Newcastle n'est donc pas un si bon résultat. Il suffirait d'un but aux anglais, et les joueurs de José Anigo seraient alors obligés de marquer deux fois pour se qualifier. Heureusement, les phocéens n'auront pas le temps de gamberger, puisqu'à la 17 ème minute de la rencontre intervient LE geste de la soirée, peut-être même de l'année côté marseillais. Sur un contre faisant suite à un corner anglais, Camel Meriem et Didier Drogba ont un deux contre trois à négocier. Le joueur prêté par Bordeaux délivre un amour de passe, pile ce qu'il faut de puissance et de précision, et permet à l'ivoirien de se retrouver au duel avec un défenseur de Newcastle à l'entrée de la surface de réparation. Tout le monde pense que Didier Drogba va déclencher une lourde frappe du droit, ou bien temporiser pour attendre du soutien. Mais l'ivoirien est un génie. Il élimine avec une aisance insolente son vis-à-vis, d'une talonnade totalement géniale, qui deviendra d'ailleurs la "spéciale Drogba". Il se retrouve ensuite seul face à Shay Given, qu'il parvient à tromper du pied gauche avec un peu de réussite. 1-0 pour l'OM, le plus dur est fait. Les olympiens sont virtuellement qualifiés pour la finale. Ils n'auront pas beaucoup l'occasion de trembler jusqu'à la pause, si ce n'est sur un tir contré d'Alan Shearer.






L'ouverture du score de Didier Drogba. L'ivoirien émerveille le stade avec un geste fabuleux, qui deviendra sa spécialité.

La deuxième mi-temps est crispante, pour les raisons évoquées ci-dessus. Les anglais n'ont besoin que d'un but. Et cela devient même rapidement irrespirable, tant les joueurs de Newcastle dominent. C'est même un miracle si Ameobi, à la 52ème, et Bowyer, à la 76ème, n'égalisent pas. L'atmosphère est étouffante, la seconde période interminable. Jusqu'à la 82 ème minute. L'OM obtient un coup franc sur la droite de la surface anglaise. Et Didier Drogba va de nouveau faire parler son génie. Il se colle à ses potes Habib Beye et Abdoulaye Meïté à l'entrée des 16 mètres. C'est une feinte. Alors que tout le monde s'attend à un duel aérien dans la surface, Laurent Battles, lui, a vu et compris ce qui se tramait. Il délivre un centre en retrait orgasmique, juste au moment où Beye et Meïté se lancent vers le but. Mais pas Didier Drogba. Les défenseurs ont mordu à l'hameçon, et l'ivoirien, seul au point de pénalty, n'a aucun mal à décocher une frappe terrible du droit qui transperce Shay Given. Le stade explose, et donne même l'impression de trembler sur ses fondations ! Le gardien irlandais est abasourdi. Il restera prostré de longues minutes sur sa ligne de but, le regard dans le vide. Car il a compris : c'est terminé. Son équipe ne reviendra pas au score. L'OM est qualifié. Les 10 dernières minutes ne seront qu'une lente agonie pour les joueurs et les supporters de Newcastle. Pour les marseillais, en revanche, c'est un moment de grâce. 11 ans après Munich, 5 ans après Moscou, ils vont découvrir Göteborg. La nuit s'annonce longue. La ville est en feu. Ici, certains grimpent sur les feux rouges avec des fumigènes. Là, d'autres se jettent dans la Méditerrannée ! Une femme, en pleurs, hurle sa joie et son admiration pour Didier Drogba. L'image est reprise par tous les journaux télévisés le lendemain. La fin de l'histoire sera malheureusement triste, puisque l'OM, à 10, ne pourra pas lutter avec le Valence de Rafael Benitez en finale. Mais ce jeudi 6 mai 2004 restera à jamais gravé dans les mémoires et dans l'histoire de l'Olympique de Marseille...






Second but de Drogba, qui délivre un club et toute une ville dans une ambiance indescriptible. Le break est fait !

Un homme dans le match...

Souvent moqué (à juste titre) pour sa faculté à enchaîner les bides en terme de recrutement, l'Olympique de Marseille reste néanmoins capable de jolis coups d'éclats. Didier Drogba est sans-doute l'un des plus gros coups de l'histoire du club si l'on prend en compte le rapport qualité/prix/plus-value. Remplaçant de Daniel Cousin au Mans en 2002, l'ivoirien est jusqu'alors un joueur anonyme, condamné à une carrière qui devait l'être tout autant. Mais sa vie va basculer lors de la saison 2002-2003. Recruté par l'En Avant Guingamp, l'ivoirien explose littéralement et forme un duo d'enfer avec Florent Malouda, autre révélation de cette saison. Poussés par un entraîneur qui prône un jeu offensif et audacieux, les deux potes vont martyriser les défenses de Ligue 1 chaque semaine. Drogba est alors l'un des joueurs les plus convoités du mercato estival 2003. Lyon, Paris et Marseille s'arrachent le joueur. Paris signe finalement Pauleta. Reste Lyon, qui fait tout pour attirer le buteur dans ses filets. Pour convaincre l'ivoirien de rejoindre les rangs lyonnais, Bernard Lacombe ira même jusqu'à lancer une "campagne" de dénigrement du club marseillais dans la presse ! Mais "DD" choisit finalement l'OM, son "club de coeur", qu'il rejoint pour la somme de... 5M€. Une saison exceptionnelle et 32 buts plus tard, l'ivoirien rejoint Chelsea pour... 37M€ ! José Mourinho, fraîchement nommé entraîneur des Blues, en avait fait sa priorité, alors que son russe de président rêvait de Ronaldo, Raul ou encore Schevchenko. Mais la saison européenne de Drogba (11 buts), et notamment son incroyable performance contre Newcastle ont fait de l'ivoirien la cible numéro 1 du portugais. Toujours présent à Londres huit années plus tard, Drogba est devenu une légende des Blues. Ce jeudi 6 mai 2004, l'OM n'a pas seulement réalisé l'un des plus grands matchs de son histoire. Il a aussi révélé une pépite qui allait devenir l'un des meilleurs attaquants au monde






L'arbitre délivre le Stade Vélodrome et envoie les marseillais en finale. Les joueurs peuvent exulter, ils viennent d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du club ! Ci-dessous, la une du quotidien L'Equipe, du 23 avril 2004 , au lendemain du match aller (à gauche), puis celle du 7 mai 2004, au lendemain du match retour (à droite).



Résumé de l'époque sur OM-Passion

La feuille de match


Retrouvez le second volet de notre série rétrospective "Ces 30 matchs qui ont fait l'OM", le lundi 30 avril. Vous vous souviendrez qu'il n'y a pas que les gardiens de but qui ont le droit de jouer avec les mains...

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